1. |
Le silence des troupeaux
02:43
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PROLOGUE
ext. jour, taïga surexposée, survolée par des vautours
(Un missionnaire en robe noire se relève difficilement du sol, dépoussière son vêtement déchiré du revers de la main.)
voix off :
En une vaste étendue sibérienne, où règne un silence délié, un homme revêtant une robe noire trop légère pour le froid tombe des nues. Idéaliste déchu, il est recueilli par une tribu ayant à cœur de lui montrer le désastre régnant. Il chemine avec eux pendant des nuits et des lieux, se privant de pitance par dégoût de leur viande pour se blottir le soir contre la fatigue des chiens. Ses lettres rapportent que son être habitué à la tempérance des pays où règne l’unanimité tente d’esquiver le courroux des hommes ayant la force du rêve à leur portée, mais vite les pires infections l’assaillent. Un premier décembre, il s’effondre par terre, quémandant un peu d’eau du lac, si près. Les étrangers qui l’accompagnent lui refusent ce breuvage en lui ordonnant de sucer l’eau sale perlant sur la neige, d’une amertume telle qu’on ne la retient point en son estomac. Il adresse alors au Sorcier le désir de parler à un Père de sa mission, on lui répond par la voix des rêves que son royaume sera défait,
peu importe ses velléités. Maigre de dix jours de pitance régurgitée, face tournée contre le ciel d’un abri qu’il disait, aux premiers jours, beau palais semblable aux cathédrales de chez lui, il se rappelle des silences, crachés dans ses poings fermés, aussi ces apparitions qui donnèrent le ton à sa jeunesse et pour lesquelles il se voulut saint. Au-dessus de sa tête, cet être détestable, le Sorcier Carigonan, qui connaît les herbes et dont les visions s’avèrent, lui apprend un matin qu’il devra mourir seul, qu’on ne s’embarrasse point d’un corps malade, d’une âme en peine. Nous avons recueilli quelques épîtres sur la neige, adressées au Révérend Père, s’étirant du début de sa maladie jusqu’à son retour à la cendre. Nous avons cru bon laisser sa langue telle quelle pour respecter sa voix étrange.
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LE SILENCE DES TROUPEAUX
Blagovešensk, décembre MDCXI.
Brvlé par le froid, i’avance (moy sevl qvi écris cette lettre) svr vos terres désolées où des esprits mav- vais m’harassent. I’ai sovvenir lointain de vovs, Père, de ces qvarante nvits à esprovver la tentation de svccomber à l’absolve déchirvre
qve ie svbis fin sevl & versé vers vovs encor & povrtant. Des rosbes noires de nostre mission racontent svr moy pires choses qv’esprit hvmain pvisse endvrer sans renier votre grandevr. Ie me repens m’infligeant la discipline en terres de Bratsk & Nevve-Angarsk, sevl avec les épîtres de la fin qve ie vovs livre ainsi transi de remords.
Des renégats se moqvent chaqve jovr dv désastre des conversions & d’avtres misères liées à la fin dv monde d’icy qve ie ressens si fatale- ment. D’avtres extasiés s’effraient de ma maigrevr telle qve les os transpercent la peav (c’est irrémédiablement soit vn scorbvt soit vne tristesse âpre à movrir, hvrlent-ils en langves, devant moy qvi s’incise plvsievrs fois les gencives avec vn os de chien povr contrer cette gan- grène qvi m’empêche de parler avdiblement, conséqvence d’vn pétvn rendant follement désespéré & donc sage selon votre ordre déchv).
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2. |
La fin du monde
04:53
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Le calme a pris la place du froid
La mer a marché sur les toits
Si les anges ont rendu l’âme
Si les murs s’effondrent à même l’espoir
Si le soleil parle pour la dernière fois
Je veux crever
Dans tes bras
Avec toi
Ô toi
(I’ai blevi avant le dernier soir, ie marchais encore povrtant mais i’avais perdv la raison dv demain vécv & la sensation de mes extrémités. Sov- dain, l’incarnation intovchable d’vne femme dans des linges blancs, son genov pointv, vne Raphaëlle pevt-être, me fit comprendre qve l’amovr vltime me fovdroyait povr ma déflagration dans l’espace de l’ombre.)
Les kamikazes ont perdu la foi
La misère des hommes s’en va
S’en va
Si l’enfer a levé l’ancre
Le passé, signé son testament
Si enfin les bunkers et les îles se meurent Prends-moi
Dans tes bras
Avec toi
Ô toi
(Tracassés, faisandés, novs novs aimions fvrievsement à genovx les mains tendves, gverriers impassibles, stoïqves enfances de plâtre peint sang de bœvf, lvmières blevtées, sentences expiées mille fois, & l’ordre-covperet brvissait av demevrant dans nos nvits ov trop fraîches ov trop chavdes, dans nos gverres d’affection désastrées, car de cela novs gardions mémoire vive, sovvenir impérial : notre sevl diev ayant été appartenance à la dovlevr vibrante qvi en nos coevrs se blottissait comme animal blessé.)
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3. |
La peur est avalanche
03:29
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Le Téléjournal
Mon voisin d’en bas
Mon père qui reste à côté
L’ont tout’ entendu
Le voleur n’était pas un dividu
De race blanche
La peur est avalanche
Y’aurait un pourcentage de pédos récidivistes qui se promènent en public PARTOUT sauf d’ins églises pis ça,
C’est le révérend qui me l’a dit
Même si ses sources sont étanches
La peur est avalanche
Il n’y a pas de Dieu
Que des fous peureux et solitaires Qui s’adonnent à faire
Des enfants
Même si je suis vieux
OUI JE LE PEUX (YES WE CAN) Me défaire de ces barrières
Qui me grattent jusqu’au sang
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Ovlan-Ovde, janvier MDCXI.
(Vovs ne savez point, Père, où va la pevr, ce qv’elle risqve. Ie vovs aimai povrtant. Vovs ne savez point
les cachotteries de l’intendance de tovs les christs, levrs histoires
& tracasseries mvettes, la tragédie de paraître, méchante mvsiqve, caressée par vn archet d’ambition ; vovs ne connaissez point le frétillement de la graisse d’élan lorsqve l’été elle flambe, le svpplice païen de la braise tenve dans les mains moites, alors qv’on vovs arrache les ongles des pieds avec les dents. Vovs ne savez rien dv monde povr l’avoir commis par lassitvde de vovs-même. Dois-ie vovs le rappeler ? Fallait-il me délecter des corps à peine covverts, qve mes rosbes tombent à mes chevilles povr me livrer nv à la vérité dv corps, qve la terrevr d’avoir trahi me fasse choisir le brasier & travestisse mes chants en icônes hvrlées. Le tricorne piqve ma dévotion d’vn fer froid. I’abovtirai à la grâce qv’est vn grand fev dans la conscience dv désert. Le fond de la qvestion m’échappe, me voici moy qvi piétine dans vne défection d’écorce & de racines indigestes. Ie vois av large palais blancs, qvi sont les dernières grandes prières à flotter vers moy.)
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4. |
Mes mains blanches
02:32
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Mes mains blanches
Ne résonnent pas à l’église le dimanche
Mes mains blanches
Ne savent pas te prendre les hanches
Mes mains blanches
Non, ne servent pas à grand-chose
À part à compter de l’argent
Peut-être à te faire perdre ton temps
À pousser dans le dos des gens
Mes mains blanches
Mes mains blanches
Se croisent les doigts pour l’arrogance
Mes mains blanches
Toujours prêtes pour une vengeance
Mes mains blanches
Ne se posent pas trop de questions
Avant de serrer celle du diable
Avant d’aller à l’abattoir
Avant de décevoir
Mes mains blanches
Mes mains blanches
Ont toujours eu les coudées franches
Mes mains blanches
N’ont jamais relevé mes manches
Mes mains blanches
Continueront d’être en demande
Pour jouer de la guitare ben slaque
Pour être juste à côté de la track
Pour pas taper su’l 2 pis le 4
Pour dire « Salut c’est moé pis j’t’encore scrap »
Si t’as besoin d’une claque y’aura toujours
Mes mains blanches
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5. |
Pakistan
02:26
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9000 kilomètres, c’est loin en tabarnak
Quand j’t’arrivé là-bas j’te voyais sur le tarmac
J’me suis pitché dans le vide comme on rentre dans un tunnel
Pis là j’demande aux femmes si c’est toi en dessous du voile
Pakistan, Pakistan
Pour passer le temps
Peine d’amour musulmane
Jusqu’à ce que je me tanne
Cinq fois par jour y parlent de toi à’ tour
Y me décrivent ce que tu portes
Pis avec qui tu le portes
Eux y croient en quelque chose pis ça, ça me rend jaloux
J’t’en train d’te repenser à l’envers
Pis m’a le faire jusqu’au bout
Pakistan, Pakistan
Pour passer le temps
Peine d’amour musulmane
Jusqu’à ce que je me tanne
Tant qu’à m’empêcher d’aller en ligne droite
M’en va retourner tourner en rond
Avec les autres seqs à’ Mecque
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6. |
Rebound
03:04
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J’t’en train d’essuyer ton refus
Ç’a fait un maudit beau dégât
La dernière fois qu’on s’est vus
Le bon gout m’a vomi dans les bras
L’oiseau vient de cogner sa fenêtre
Y’a le cœur ben plus gros que la tête
Y va battre de l’aile un boute
Pis se câlicer de toute
Tout c’qu’y va trouver à faire pour se distraire
C’est coucher d’un bord pis de l’autre
Comme le pire des apôtres
Y va dire, ben indécis :
« Le sexe ‘tait bon, l’café aussi
On se dit-tu Adieu, à demain, merci ? »
T’sais que j’pense même pas à toé
Mea culpa
À chaque coup que j’donne
J’pense pas à toé
Mea culpa
REBOUND (REBOUND)
J’t’ai dit « Je t’aime »
C’tait même pas vrai
J’t’ai serrée fort
Y’était trop tard
Mais ça, tu le sais pas encore
Or,
Chus trop pissou pour me tenir debout
(C’est pas tout)
Chus trop petit pour te laisser vivre ta vie
(Mais aussi)
Chus trop peureux pour te souhaiter c’qu’y a de mieux
(Non, c’est pas mon style)
Non j’vas attendre que tu te tannes
Que ton confort se fane
Que tu trouves mieux pour nous deux
De se laisser un peu
Pis avec le peu de sagesse que j’ai pu voler
Je te chanterai à l’oreille :
« Moé, j’pense pareil. »
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7. |
Cantique de l'abandon
01:47
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Nijnevartovsk, février MDCXI.
Povr brvlant qve ie vovs ai m’enve- loppant, circonspect avtovr de mes bras, de mes épavles, de mon cœvr, de mon sexe, de mes hanches, jvsqv’à l’angoisse qve vovs connoissez povr en être la sovrce, ie dois tovrner le dos à votre mission povr me livrer av mvtisme dv froid, & ainsi ne plvs jamais ovïr les cornes des héravts & les brvits stridents de l’expiration des anges se mevrtrissant les ailes dans le brasier qve vovs avez allvmé en moy. Abîmé sovs mes pieds, voici qve l’endroict où ie crv naître s’évanovit dans la stvpevr d’où svrgit cette litanie dernière. Les trovpeavx braveront le silence. La lvne se déchire sanglante, ma noircevr éclate, & l’enfant qve ie porte se crispe dans mon ventre. Le jovr noircit & la chair se sovmet à vne chvte de chalevr effroyable. Novs sommes rendvs à l’évidence, Père. Les barbares m’accovcheront avant de me tver & de me voir renaître enfin. Écovtez, Nipinovkhe caressera vne dernière fois le grand silence de mon âme. Ie l’entends rvgir devant moy.
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8. |
Tu voulais des enfants
03:07
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Tu voulais des enfants
Un lien avec le temps
Un sens à notre sang
Un bibelot vivant
Une manière égoïste
De te rappeler que t’existes
Nous croyant les derniers
Imposteurs à la vie
Prier pour me tromper
L’espoir d’être endormi
Non, je ne suis pas mort
J’t’ais juste allé chercher
Un peu d’amour de l’autre bord
Dans le capharnaüm des foules
Je lévite, je me saoule
Je n’ai pas peur de demain
Car quand je serai grand
Je serai un enfant
Je serai un enfant
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9. |
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La chaleur monte
Les enfants tombent
Des cris de peur dans le noir
Un étrange au revoir
(Ô les cloches de mon enfance, levr aimante détresse, ô terrible sovvenir des noces de mon frère, ô lit de mort dv Frère Bovcher, de mon père capitaine ; ô vovs & moy dans cette pièce révnis, enfants dv sabbat, destins derniers, fossoyevrs de rien.)
Les soldats creusent
Préparent la faucheuse
Piquent, roulent et roulent les corps
On enterre le trésor
(Les mêmes cloches.)
(Les enfants n’estant point faits povr plevrer le chant-précepte qvi novs oblige, iamais entonnement, en avcvn liev, d’avcvne sorte, ne sera plvs gai qve l’air qvi svit :)
Les wagons explosent
Le sang est à la hausse
Peu importe le calibre
Nous ne serons pas libres
(Les mêmes cloches, tovjovrs les mêmes.)
Qui plante la haine
Cultive un jardin de honte
Mais pas de problème
Quand l’amour aura le monde
(Ces satanées cloches.)
(Et le choevr capitvlant fit à nos âmes refroidies sensation de repos dvrable ; alors svr levrs têtes novs covchâmes vn baiser de départ, ainsi ce qvi hier encore était déplaisir devint pressentiment dv monde blanc.)
Lalalalalalalalalalalalalalalalalalalalalalalala
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10. |
Joyeux anniversaire
03:18
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Joyeux anniversaire
Une loupe sur ma douleur
Un burin sur mon malheur
Qui rajoute une coche
De trop
Et je ravale ma bile
Un pas de plus vers l’asile
Pour ma p’tite tête qui commence à être pleine
Depuis une semaine
Je reste seul dans mon phare
À éclairer les gens
Trop aveuglés pour voir
Que je feele pas tant
Souvent
Je fermerai la lumière
Attendrai les bateaux
Qui pensant voir la mer
Viendront crasher mes os
Je partirai
Vous laissant mon chat
Seuls ensemble
Vous serez seuls ensemble
Au mois de novembre
Au mois de novembre
Novembre
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